Je ne cherche pas à interpréter à tout prix ce que je créé. En revanche, je ne peux m’empêcher de me questionner :
Pourquoi je fais ce que je fais ?
Le fait de m’interroger sur ce que je fais m’exclue-t-il de facto de l’art brut ?
En quoi le regard des autres a-t-il une influence, ou non, sur mon travail ? Avec quoi cela fait-il écho en moi ?
Quel intérêt à ce que je fais ?
Pourquoi ces visages ?
Dois-je dire tout ce que je comprends ? Dois-je cacher des choses ?
Dessiner et sculpter, pour apprivoiser ? Ennemis, alliés, amis ?
Pourquoi y a-t-il autant de catégories : art brut, singulier, en marge, autodidacte, hors normes, outsider, naïf, populaire, visionnaire, etc.
Pourquoi varient-elles en fonction des pays ? Art brut en Hollande, art singulier en France, outsider art ailleurs ?
Je m’inscris dans une démarche enquêteuse non résolutive de type question-réponse-question, à l’image de Montaigne (Essais).
Mes œuvres sont aussi, parfois, des manières de vivre par procuration des évènements, m’apportant ainsi une forme d’apaisement.
Peut-être aussi qu’elles font du bien parce qu’elles formalisent des sensations.
Ces derniers jours ont été riches en remises en question. Le vernissage de la Halle Saint Pierre ainsi que d’autres galeries m’ont fait prendre conscience de l’ampleur du décalage avec les artistes établis. Non pas en terme de démarche, de comparaison de niveau ou autre. Mais en terme de profondeur.
Jusque là je croyais avoir plongé en moi pour mes créations, je pensais m’être libéré des regards, de mon regard ; mais je n’ai fait qu’effleurer ce que je cherche à exprimer ; libéré des regards je le suis, mais libéré de mon regard je ne le suis pas et, surtout, j’ai mis un voile devant mes yeux. Donc devant les vôtres aussi.
La conjonction de ma formation en thérapie brève, de ma passion pour l’art de raconter les histoires et ces visites de galeries m’ont fait prendre conscience que ce que je pensais être une fin n’était en fait que les prémisses d’un voyage beaucoup plus grand et bien plus dur que ce que je croyais jusque-là. Ce que j’ai pris pour un aboutissement n’est qu’en fait que la partie émergée de l’iceberg, le début du chemin.
Je suis face à un dilemme : descendre dans le terrier du lapin, plonger en profondeur, aller dans l’horreur, dans la douleur, dans ce que j’ai oublié pour survivre, aller affronter le monstre ? Ou rester en surface et développer uniquement cette surface ?
En créant j’essaie de dire ce qui m’est arrivé parce que je ne veux pas le dire avec des mots. Je n’y arrive pas.
Rester inhibé ou se libérer ?
Accepter les fêlures ou les rejeter ? Résister ou se réajuster ?
Lâcher prise et vivre avec ?
Une des grandes libertés que j’adore quand je créé c’est que c’est imparfait et c’est ok. Presque, ma recherche de perfection c’est quand je créé dans le plus grand détachement, sans que je porte un jugement sur l’œuvre ou moi-même, sans penser à ce que les autres vont en dire, quand il n’y a que moi et l’œuvre. Seuls au monde pendant un instant.
Ces réflexions complètent ma bio et s’inscrivent dans la continuité de mes expositions.